La végétation de Mayotte
Sommaire :
Cadre phytogéographique général
En s'appuyant sur l'analyse floristique des vestiges de végétations naturelles où la flore indigène est encore majoritaire et principalement sur leur composante ligneuse, O. PASCAL (1997, 2000), à la suite de JAMET (1977), distingue à Mayotte cinq grands types de formations végétales naturelles : mangrove, forêt littorale, forêt sèche, forêt humide (ombrophile), cette dernière subdivisée en forêt humide de moyenne altitude et forêt humide à tendance mésophile de basse altitude. Il ne retient pas par contre la "forêt sclérophylle autochtone des crêtes et des côtes" proposée par JAMET (1977), concept manifestement hétérogène, mais reconnaît néanmoins un faciès submontagnard de la forêt humide de moyenne altitude au-dessus de 500 m.
Bien que ces différents mémoires se soient limités à l'analyse des grands types forestiers par les caractères de leur flore (origine, chorologie, écologie) et de leur peuplement ligneux, sans les confronter aux données synécologiques, il y a néanmoins déjà là, matière à fournir des éléments pour un premier cadrage bioclimatique de l'île. La poursuite d'un tel objectif échappait aux buts de ce rapport, mais sans aller jusqu'à avancer de véritables unités bioclimatiques, il est envisageable de préciser les zones de végétation fondées d'une part sur quelques caractères climatiques généraux (RAUNET 1992) et, d'autre part, sur les végétations naturelles et semi-naturelles et leur flore.
Pour commencer, on peut déduire des cinq grands types de formations végétales proposés par O. PASCAL, trois domaines principaux de végétation :
- un domaine littoral associé aux mangroves et aux formations littorales ;
- un domaine "sec" associé à la forêt sèche ;
- un domaine "humide" associé à la forêt humide.
Le domaine littoral est aisé à circonscrire, à la fois par ses caractères écologiques et le particularisme de sa végétation adaptée aux contraintes salines. Il se traduit sans difficultés en termes d'étages littoraux, pour ce qui nous concerne ici, l'étage supralittoral et l'étage médiolittoral.
Le domaine sec est bien marqué dans les zones côtières et les terres basses du sud de l'île. Dans le nord et l'ouest de l'île, il se réduit à une étroite frange côtière tandis qu'au sud il remonte assez haut sur les flancs de la chaîne du Bénara et du Choungui.
Inversement, le domaine humide approche les zones côtières au nord du Bénara alors qu'au sud, il s'insinue dans les concavités basses du relief (massif forestier de Dapani). En outre, il existe des différences morphologiques, physiologiques et floristiques significatives au sein des végétations forestières de la zone humide entre les forêts des crêtes baignées de nuages du Bénara et du M'Sapéré et les forêts humides d'altitude plus basse qui ont motivé la reconnaissance d'une forêt humide de basse altitude, une forêt humide de moyenne altitude avec, pour cette dernière, un faciès submontagnard au-dessus de 500 m (PASCAL 1997, 2000)
Le centre-est de l'île, délimité à l'ouest par l'axe M'Sapéré-Tchaourembo et au sud par la ligne de crête Tchaourembo-Bépilipili et son prolongement oriental du Trambatsini, est intermédiaire entre les secteurs sud et nord-ouest.
Il ressort en première analyse :
- une opposition générale nord-ouest/sud-est traduisant un effet sensible des vents dominants de direction N à NW en saison des pluies (novembre à mai) et des alizés qui soufflent du SE en saison sèche. PASCAL (2000) parle à juste titre de régions "au vent" et "sous le vent".
- une modulation des effets "du vent" par la croisée en forme de T inversé des axes montagneux NE-SW (M'Sapéré-Tchaourembo) et des crêtes transversales Tchaourembo-Bénara, délimitant trois secteurs : nord-ouest au vent, sud sous le vent et centre-est sous le vent (à caractère cependant moins tranché) ;
- un étagement de la végétation dans chacun des domaines au vent et sous le vent, depuis les secteurs côtiers subissant l'influence des vents desséchants de juillet à septembre et plus secs jusqu'aux secteurs des crêtes marqué par un épiphytisme important caractéristique des forêts humides tropicales de montagne ;
- un nuancement de l'étagement associé aux mésoclimats particuliers générés par le relief tourmenté de l'île.
On pourrait ajouter aux remarques précédentes un effet "maritime" qui se fait sentir au-delà de l'étage supralittoral dans toute la zone côtière, mais qui ne semble nettement marqué par une végétation adlittorale particulière que dans les régions sous le vent.
En première conclusion, il existe clairement à Mayotte :
- une région au vent (au nord-ouest du Bénara) et une région sous le vent (au sud et à l'est du Bénara) déterminées par les régimes pluviométriques et les vents dominants ;
- un étagement de la végétation, fonction de l'altitude et impliquant un abaissement des températures, une augmentation de l'humidité, de l'exposition aux vents. Cet étagement diffère pour chacune des régions au vent et sous le vent.
Sur la base de cette double entrée, nous proposons provisoirement de distinguer à Mayotte pour la végétation non littorale, la zonation théorique suivante (fig. 1) :
- zone submontagnarde, à caractère néphéliphile et mésotherme, limitée aux crêtes du Bénara et du M'Sapéré, au-dessus de 550-600 m ; cette zone correspondrait grosso modoà un étage montagnard abaissé en raison des conditions d'insularité, avec des pluviosités annuelles supérieures à 2000 mm, mais surtout à une nébulosité importante et régulière ;
- zone humide, mégatherme, de ± 300 à 550-600 m sur le versant sous le vent, mais descendant nettement plus bas sur le versant au vent ; la pluviosité annuelle y est probablement supérieure à 1600 mm.
- zone mésohumide, mégatherme, intermédiaire entre la zone humide et subhumide et dont les limites altitudinales fluctuent considérablement en fonction des influences mésoclimatiques du relief secondaire. Sur le versant au vent, cette zone s'abaisse jusqu'au domaine littoral.
- zone subhumide, mégathermeà tendance semi-xérophile (pluviosité inférieure à 1300 mm), limitée pour ainsi dire aux terres basses des régions sous le vent ; on peut y distinguer une frange côtière plus sèche à caractère adlittoral.
- zone littorale, correspondant aux étages supralittoral et médiolittoral pour ce qui concerne la végétation vasculaire.
Cette esquisse zonale déduite des données de flore et de végétation devra être révisée et validée dans un cadre bioclimatique et phytogéographique plus formel. En attendant, nous donnons pour chaque zone pressentie leurs principales caractéristiques s'appuyant, à la suite d'O. PASCAL, sur la seule analyse de la flore et de la végétation indigène, mais des arguments puisés dans la flore et la végétation secondaire pourraient y être ajoutés aisément.